vendredi 15 janvier 2016

Béatrice

J'attends Béatrice
Dans la ruelle.
Mon cœur clignote
Dans une zone défendue.

Béatrice a la peau noire.
Une belle jeunesse grésillante,
Un feu couvant,
Un chrême enflammé.

Béatrice laisse derrière elle,
Une traînée de lavande,
En longues et minces effluves.
Le vent soulève sa jupe,
S’y complait un long moment.
Je la suis de loin,
Pour prendre d’elle
Ce qu’elle ne peut retenir.

Béatrice a dix-neuf ans,
Pas très belle,
Mais un corps potable
Comme un vin.
Une sensualité à fleur de peau,
Dans ses yeux,
Sur ses lèvres,
Dans cette façon qu’elle a
De retrousser son nez,
Comme une gamine.

Béatrice fait le chemin,
Ouvre ses reins à tous,
Fesses molles et cul dur,
Pour son bien-être pécuniaire,
Mais ajourne le projet
De m'aimer au-delà des mulsions,
Et passe son chemin,
Pour défaire ailleurs
D’autres nœuds sexes.

J’accompagne Béatrice un bout de chemin.
La musique chuinte de son baladeur,
Se fait toute petite dans ses oreilles,
Un frémissement d’insecte,
Presque un gémissement.

Puis Béatrice disparaît
Au coin de la rue,
Tel un ensoleillement de minuit.


Pierre Rousseau, Les beaux naufrages, 2004.
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