vendredi 22 janvier 2016

Jouisses trompeuses

Navigateur urbain, vieux loup de ruelles
Moussaillon des grandes avenues
Capitaine ivre des rives souterraines
Rat de cave et de caveau, d’escale en escale
Je rêve de croisières et d’agréments
Da
ns les bas-fonds de la ville souricière.


Lesté de foi et de grâce au vil centre de moi
Frêle esquif gréé de larges ambitions
Je cherche le passage vers l’égout d’or
Dans ce lieu quadrillé de pavés durs
Où les pas écrasent les alentours
Dans le vaste parage du déjà-vu.

Dans la ville aux milles délestages
Au-delà des cauchemars goudronnés
Une vis éventre mes rêves en zone interdite
Mon sexe perfore l’utérus abandonné
Muraille satin du square victorieux
Afin que je naisse à la mort asphaltée.

Un jour je mettrai les voiles vers des inconnues
Voilures charnelles et brumes sanguines
Regards d’îles désertes, sauvage accueil
Surfaces vierges mal vieillies, mais terres grasses
Pour me perdre à jamais dans l’amical amour
Et renouer mes veines aux désirs des femmes.

Les yeux grands ouverts sur les murs remparts
Je mourrai bientôt dans le trépas du sommeil
Un souffle soulèvera mes paupières moites
Poteaux et lampadaires piqueront mon iris
Clochers faisant sillages dans ma prunelle
Avant l’accostage aux rives clandestines.

Par pitié pour l’homme lesté de déceptions
La femme fermera enfin mon regard cimenté
Lessivera mon cœur rempli de bitume
Puis recueillera les jus vivifiants et suaves
Nectar qui aspergeaient mes rêves d’enfants
Dans mon corps révulsé de jouisses trompeuses. 


Pierre Rousseau, Les beaux naufrages, 2004.
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